Aux quatre coins du monde, Pyongyang sacrifie sa présence diplomatique devenue trop chère pour une économie nationale à bout de souffle, misant à la place sur le rapprochement avec des alliés comme Moscou. « Visites d’adieu » de ses représentants en Ouganda et Angola annoncées par le pouvoir, boutique fermée à Hong Kong et en Espagne selon les autorités locales…
Le retrait diplomatique nord-coréen est palpable et pourrait se poursuivre, préviennent les experts. La dernière fois que le pays a opéré un tel recul, il était frappé par une vague de famine qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts, voire des millions d’après certaines estimations, au milieu et à la fin des années 1990. « C’est la première fois qu’un tel nombre d’ambassades sont fermées depuis » cette époque, confirme Thae Yong-ho, ancien ambassadeur-adjoint de la Corée du Nord à Londres.
M. Thae, qui a fait défection en 2016 pour rejoindre la voisine du Sud où il est devenu un parlementaire du parti au pouvoir, juge que ces fermetures « montrent que les sanctions des Nations unies contre la Corée du Nord fonctionnent bien dans le monde entier ». Les ambassades nord-coréennes en Afrique étaient un temps des entreprises lucratives qui permettaient à Pyongyang de brasser du cash grâce à des projets de construction, des accords militaires… Mais les sanctions internationales imposées à la Corée du Nord face aux programmes d’armements interdits menés par le leader Kim Jong Un ont fini par prendre son économie à la gorge, disent les spécialistes.
Maintenant, même ses alliés de longue date « ont du mal à payer financièrement la Corée du Nord (donc) elle n’a d’autre choix que de fermer ses ambassades », selon M. Thae.
Cette semaine, le ministère de l’Unification à Séoul a déclaré que « le renforcement des sanctions contre la Corée du Nord a perturbé ses revenus en devise étrangère ». « C’est un aperçu de la situation économique désespérée de la Corée du Nord, qui a même des difficultés à maintenir un minimum de relations diplomatiques avec des alliés traditionnels », a ajouté l’institution.
Rapprochement avec Pékin et Moscou
Pyongyang entretient des relations diplomatiques avec plus de 150 pays selon la même source, mais le nombre de ses missions à l’étranger n’a cessé de se réduire depuis les années 1990. Toutefois, le retrait de la Corée du Nord met également en lumière un changement stratégique: le pays nucléarisé a délaissé le non-alignement entre les anciens blocs issus de la Guerre froide pour des alliances de plus en plus solides avec Pékin et Moscou.
Kim Jong Un et le président russe Vladimir Poutine ont par exemple tenu en septembre un sommet en Extrême-Orient russe, pour la première visite du leader nord-coréen hors de son pays depuis le Covid-19. Washington et Séoul ont ensuite affirmé que Pyongyang avait commencé à fournir des armes à la Russie pour sa guerre en Ukraine, contre des informations en matière de technologies satellites.
« A cause de la guerre en Ukraine, la Corée du Nord pense qu’elle peut survivre en envoyant beaucoup de main-d’œuvre à la Russie et à la Chine, et en renforçant intensivement la coopération militaire et économique avec ces deux pays », poursuit M. Thae. « Cela montre que l’intérêt stratégique de l’Afrique s’est affaibli alors que l’importance stratégique de la Chine et de la Russie a grandi dans la stratégie diplomatique globale de la Corée du Nord », conclut-il.
« Guerre prolongée »
Le début du retrait diplomatique nord-coréen a pu se dessiner dès 2019 après l’échec du sommet entre Kim Jong Un et l’ancien président américain Donald Trump à Hanoï, a expliqué à l’AFP Cho Han-bum, chercheur à l’Institut coréen pour l’Unification nationale. A ce moment-là, « la Corée du Nord a déclaré une guerre prolongée » en décidant de se concentrer sur ses programmes d’armements interdits plutôt que la négociation, a-t-il ajouté.
Cependant, la pandémie ayant rendu le transit de personnes plus difficile, Pyongyang n’a fermé ses ambassades que depuis récemment. Des rapports avancent que le pays reclus pourrait clore dix de ses 50 ambassades au total, selon M. Cho. D’après le chercheur, la situation économique en Corée du Nord s’est encore dégradée depuis qu’elle a scellé ses frontières en 2020 face à la pandémie, creusant son déficit commercial et épuisant ses réserves de devises étrangères.
Les deux « principales raisons de la fermeture des ambassades à l’étranger », estime-t-il. « La Corée du Nord va pousser sa dite +diplomatie de la Nouvelle guerre froide+, en maintenant ou en renforçant ses bases avec des pays importants comme la Chine, la Russie, la Syrie, l’Iran et Cuba », tout en coupant les ponts avec ceux qui ne lui servent plus. La réduction de ses capacités diplomatiques est ainsi « inévitable », conclut M. Cho.