« Oui, elle m’a trompé »: début octobre devant les juges, Nicolas Sarkozy s’est présenté comme victime de manœuvres de la reine des paparazzis Mimi Marchand, dans l’enquête sur la rétractation par l’intermédiaire Ziad Takieddine de ses accusations de financement libyen de la campagne présidentielle 2007.
L’information judiciaire, ouverte en mai 2021, porte sur une tentative de tromper la justice française dans l’enquête sur un éventuel financement libyen de sa campagne présidentielle 2007, qui fera l’objet d’un procès début 2025.
La première étape aurait consisté à obtenir la rétractation des accusations du sulfureux intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine, fin 2020.
Puis, au premier semestre 2021, certains des mis en cause auraient tenté d’obtenir une preuve que le retentissant document libyen publié par Mediapart en 2012 évoquant un financement de 50 millions d’euros était un faux, ou encore de faire libérer l’un des fils Kadhafi détenu au Liban pour qu’il contribue à innocenter Nicolas Sarkozy.
Parmi les dix protagonistes mis en cause à des moments ou degrés divers, outre l’ex-président et Mme Marchand, l’intermédiaire Noël Dubus, déjà condamné pour escroquerie, le puissant chef d’entreprise David Layani, etc.
– « Grand diable » ? –
Devant deux magistrats instructeurs et deux représentants du parquet financier, Nicolas Sarkozy s’est présenté durant 22 heures d’interrogatoire sur quatre jours comme impliqué à tort dans cette affaire à cause d’une « petite bande » de « pieds nickelés » avides d’argent, selon des déclarations dont l’AFP a eu connaissance vendredi.
Ni « organisateur », « bénéficiaire », « valideur » ou même « au courant », il conteste être le « grand diable » tirant les ficelles de cette histoire.
Quid de son agenda et de sa téléphonie fin 2020 et début 2021, qui font apparaître des rendez-vous ou conversations à des moments-clés avec des protagonistes du dossier ? M. Sarkozy répond « coïncidences ».
Pour la figure tutélaire de la droite française, il faut d’abord chercher les responsables chez MM. Dubus et Takieddine, « deux escrocs qui essaient de s’escroquer mutuellement », des « mafieux » chez qui « la pratique du mensonge est culturelle ».
Le second, son principal accusateur dans le dossier libyen, « est peut-être ce qu’il y a de pire dans ce que peut engendrer l’humanité », lance-t-il.
Mais pourquoi, recadre le juge, M. Takieddine qui « a donné de nombreuses versions des faits dans l’affaire libyenne (…) ne dit plus » en novembre 2020 que la campagne 2007 de M. Sarkozy « a été financée par la Libye », alors qu’il avait toujours été « constant sur (ce) point » ?
« Il est irrationnel », évacue M. Sarkozy.
Pourquoi, demande aussi le magistrat, l’ex-président a salué à l’époque ce virage via un communiqué de presse triomphant, lui donnant du crédit ?
C’était « une réaction émotionnelle, avec mes tripes », mais aussi utile dans sa stratégie médiatique de défense, répond Nicolas Sarkozy.
– « Tête gonflée » –
Dans de longs développements, Nicolas Sarkozy met aussi en cause l’un des personnages centraux du dossier, Michèle Marchand, de sa propre formule son « seul lien » avec les « pieds nickelés » du dossier.
L’ex-président raconte son « scepticisme total » initial quand « Mimi » l’aurait informé en octobre 2020, d’une « initiative » autour de M. Takieddine, puis comment il a ensuite été « épaté » en découvrant un mois plus tard le résultat sur BFMTV et dans Paris Match: la rétractation.
Mais désormais, Nicolas Sarkozy voit les choses différemment : « J’ai été trompé », assure-t-il, « dans le sens où je n’ai pas eu connaissance de +toute l’arrière cuisine+ notamment financière » et des « conditions de réalisation » de l’opération. D’après les investigations, 60.000 euros auraient été remis à Takieddine, et 100.000 à quatre millions d’euros promis.
Nicolas Sarkozy rend « cette petite dame qui a eu la tête gonflée à l’hélium » responsable de l’un des principaux éléments à charge contre lui.
La justice voit en effet une preuve que les démarches du groupe étaient connues de M. Sarkozy dans sa dédicace d’un de ses livres à Noël Dubus, faite à son domicile et signée « votre ami ». Lui assure avoir signé sans connaître l’escroc, tandis que Mimi Marchand conteste avoir joué un rôle.
Me Caroline Toby, avocate de cette dernière, a indiqué à l’AFP n’avoir « aucun commentaire à faire sur la façon dont Nicolas Sarkozy se défend. Ma cliente entend réserver ses déclarations à son juge comme depuis le début ».
« Compte tenu du niveau de responsabilités que vous avez exercées et de votre présence au devant de la scène politique depuis plus de 30 ans, on peut s’étonner que vous n’ayez pas davantage interrogé les demandes que vous a faites Mme Marchand » à plusieurs reprises en 2020 en faveur de protagonistes du dossier, souligne l’un des magistrats instructeurs.
En retour, Nicolas Sarkozy répète son « sentiment d’avoir été trompé ».
Sans convaincre à ce stade les juges, qui l’ont mis en examen le 6 octobre pour recel de subornation de témoin et association de malfaiteurs en vue d’escroqueries au jugement en bande organisée.
AFP