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Les atouts et les faiblesses de la caution pénale

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La caution pénale, une mesure de sûreté judicaire permettant à un accusé de bénéficier d’une liberté conditionnelle, tout en garantissant les intérêts de la justice et des parties civiles, est considérée comme une alternative à la détention provisoire et un instrument juridique en mesure d’équilibrer la présomption d’innocence.

 

Mais certains spécialistes du droit pénal estiment qu’elle peut engendrer un ‘’système inégalitaire’’, qui pénalise les moins fortunés.

 

La caution pénale est une forme spécifique de cautionnement judiciaire utilisée uniquement en matière pénale. C’est une somme d’argent imposée par une juridiction pénale à une personne mise en examen, inculpée ou prévenue, afin d’assurer sa représentation devant la justice et le respect des obligations qui lui sont imposées dans le cadre d’une mise en liberté provisoire.

 

Elle est différente de la caution civile ou commerciale, une autre forme de cautionnement judiciaire utilisée pour garantir l’exécution d’un jugement ou couvrir d’éventuels frais de procédure.

 

Aux États-Unis par exemple, la caution pénale est profondément ancrée dans le système judiciaire. On considère qu’un individu inculpé par un juge doit, en principe, demeurer en liberté en attendant son procès. En raison de la présomption d’innocence.

 

Au Sénégal, les avocats recourent aussi à la caution pénale lorsqu’ils souhaitent obtenir la mise en liberté provisoire d’un client. Pour ce faire, ils assurent le juge de la présence du mis en cause et de son respect des obligations imposées. C’est souvent le cas lors des poursuites pénales visant les hommes d’affaires ou les fonctionnaires, pour des fautes liées à leur gestion des deniers publics

 

Le député Mouhamadou Ngom, dit Farba, et l’homme d’affaires Tahirou Sarr ont tenté d’y recourir récemment, mais le Pool judiciaire financier s’y est opposé. Ils sont tous les deux accusés de blanchiment de capitaux, faux et usage de faux, escroquerie portant sur les deniers publics, à la suite d’une enquête de la Cellule nationale de traitement des informations financières. Les faits dont le député et l’homme d’affaires sont accusés portent sur plusieurs dizaines de milliards de francs CFA.

 

— ‘’Le juge a plusieurs possibilités’’ —

 

Des spécialistes du droit – pénal – interrogés par l’APS ont relevé les atouts et les faiblesses de ce mécanisme en montrant que, comme tout système basé sur une garantie financière, il peut être biaisé au profit des personnes aisées et engendrer un ‘’système inégalitaire’’, qui pénalise les moins fortunés.

 

Ndèye Sophie Diagne, maîtresse de conférences agrégée à la faculté des sciences juridiques et politiques de l’université Cheikh-Anta-Diop (UCAD) de Dakar, définit le cautionnement judiciaire en matière pénale comme ‘’le versement d’une somme d’argent par la personne bénéficiant d’un placement sous contrôle judiciaire’’. Selon elle, cet instrument juridique peut être utilisé ‘’lorsque la personne concernée présente des garanties de représentation’’, autrement dit, lorsqu’il n’est pas possible pour elle de se soustraire à la justice. Il peut s’agir d’une personne malade au point de ne pouvoir supporter l’environnement carcéral.

 

Mme Diagne rappelle, sur la base des articles 132, 133, 134, 135 et 136 du code de procédure pénale, que ‘’le juge a plusieurs possibilités’’. Il peut rejeter le cautionnement, par exemple.

 

Ce mécanisme de mise en liberté conditionnelle est souvent accompagné d’obligations, dont l’interdiction de quitter le territoire sénégalais, une présence régulière au tribunal ou l’interdiction d’entrer en contact avec certains témoins.

 

‘’Si l’accusé respecte toutes ces obligations et se présente à son procès, la caution lui est restituée après la clôture de l’affaire. En cas de fuite ou de non-respect des conditions de [sa mise en liberté], la caution est confisquée par l’État’’, explique à l’APS le juriste El Hadji Amath Thiam, président de l’association Justice sans frontières.

 

— Dans quelles circonstances le juge peut-il accorder la liberté sous caution ? —

 

‘’Au Sénégal, la liberté sous caution est une mesure discrétionnaire du juge. Elle peut être accordée si certaines conditions sont réunies’’, explique M. Thiam. Le président de Justice sans frontières précise que la liberté sous caution est plus facile à obtenir pour des infractions mineures ou des délits que lorsqu’il s’agit de crimes graves. On peut aussi invoquer l’absence de dangerosité du mis en cause pour l’obtenir. Autrement dit, a expliqué El Hadji Amath Thiam, ‘’lorsqu’il ne constitue pas une menace pour la société ou les victimes’’.

 

Le juge peut aussi accorder la liberté sous caution en cas de respect du bon déroulement de l’enquête, si le prévenu ne risque pas d’entraver l’instruction en influençant des témoins ou en détruisant des preuves, par exemple, selon M. Thiam.

 

— Quand le juge peut-il refuser la liberté sous caution ? — 

 

Le refus du juge d’accorder la liberté sous caution au député Farba Ngom et à l’homme d’affaires Tahirou Sarr a suscité beaucoup de commentaires au-delà du monde judiciaire. Certains semblent l’assimiler à une politisation de l’affaire, d’autres s’indignent de l’importance des biens immobiliers sur lesquels planchent les enquêteurs.

 

Selon El Hadji Amath Thiam, le juge peut invoquer le risque de fuite du mis en cause pour refuser de le remettre en liberté sous caution. C’est le cas lorsque la personne poursuivie en justice détient ‘’plusieurs passeports ou des moyens financiers importants’’.

 

Le cautionnement judiciaire peut également être rejeté lorsqu’il existe ‘’un risque de récidive ou de trouble à l’ordre public’’, que le prévenu est en mesure d’engendrer, selon M. Thiam.

 

Si la mise en liberté sous caution risque d’entraîner ‘’la destruction de preuves et la pression du mis en cause sur des témoins’’, le juge peut s’y opposer, ajoute le président de Justice sans frontières.

 

À tous ces motifs de rejet du cautionnement judiciaire s’ajoutent les ‘’infractions d’une gravité extrême’’, lorsque l’enquête porte sur des faits de terrorisme, de crime organisé, de viol, de meurtre ou de trafic de drogue, dit El Hadji Amath Thiam.

 

Selon lui, la mise en liberté sous caution peut également être rejetée lorsque ‘’le juge estime que le mis en cause peut influencer des témoins ou altérer des preuves’’.

 

— La caution pénale engendre-t-elle un ‘’système inégalitaire’’ ? — 

 

‘’Aux États-Unis, la libération sous caution est un pilier du système judiciaire, mais elle est fortement critiquée à cause de son caractère inégalitaire. Les personnes aisées peuvent facilement payer et éviter la prison, tandis que les plus démunies restent en détention même pour des délits mineurs, faute de moyens financiers’’, analyse El Hadji Amath Thiam.

 

Au Sénégal, la procédure pénale n’est pas propice au traitement différencié selon la capacité des mis en cause à cautionner ou pas, dans la mesure où ‘’le juge peut fixer une caution proportionnelle à la marge financière du prévenu’’, a signalé M. Thiam, tout en reconnaissant que ‘’les personnes de condition modeste ont plus de mal à obtenir une libération sous caution’’ que les autres, ‘’notamment faute de garanties solides’’

 

Ndèye Sophie Diagne aussi invoque les risques de fuite du mis en cause, de subornation et d’intimidation des témoins, ou de distraction de preuves – lorsqu’on lui demande dans quelle mesure le cautionnement judiciaire peut être rejeté.

 

Mme Diagne trouve toutefois de nombreux avantages dans le cautionnement judiciaire, dont ‘’le désencombrement des prisons’’.

 

Libérer un prévenu en contrepartie du versement d’une caution permet aussi d’éviter ‘’les détentions intempestives’’ et contribue à ‘’l’humanisation des mesures pénales’’, selon elle. C’est aussi un moyen, pour le juge, de laisser le prévenu mener ses ‘’activités professionnelles’’, lorsqu’il s’agit d’un chef d’entreprise, par exemple, dit Ndèye Sophie Diagne.

 

— Un ‘’système inégalitaire qui favorise les riches et pénalise les démunis’’ — 

 

Ce cautionnement judiciaire peut être utilisé pour recouvrer une amende à payer à l’État ou à un citoyen ayant subi un préjudice, selon la maîtresse de conférences agrégée de l’UCAD. C’est en même temps une garantie de paiement des dommages et intérêts, signale-t-elle.

 

El Hadji Amath Thiam pense aussi que c’est un moyen que le juge peut utiliser pour éviter l’encombrement des prisons, pour les délits mineurs surtout.

 

La caution pénale peut servir aussi de garantie financière, en cas de fuite ou de non-respect des obligations du prévenu, selon M. Thiam.

 

Mais elle peut ouvrir la voie à un ‘’système inégalitaire qui favorise les riches et pénalise les démunis’’, relève-t-il. Cette procédure comporte également un ‘’risque de corruption et de favoritisme, de même que la possibilité d’évasion de certains accusés fortunés, qui peuvent prendre la fuite, malgré la caution versée’’.

 

Malgré tout, ‘’la caution pénale est un outil juridique important, qui équilibre la présomption d’innocence et les impératifs de justice’’, reconnaît le président de Justice sans frontières.

 

Il signale que cet instrument juridique peut, ‘’comme dans tous les systèmes recourant à la garantie financière, être biaisé en faveur des personnes aisées, ce qui soulève des enjeux d’égalité devant la loi’’.

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