Le Président de la République a abrogé le décret portant convocation du corps électoral pour la présidentielle (Mamadou Lamine Biaye)
Ce samedi 03 février, Le Président de la République a abrogé le décret portant convocation du corps électoral pour la présidentielle. Ceci, à quelques heures de l’ouverture de la campagne.
Deux jours plus tard, le lundi 05, ses députés en connivence avec ceux du groupe parlementaire des libéraux et démocrates, ont reporté ladite élection de 9 mois à la date du 15 décembre 2024.
Ce coup d’état constitutionnel et institutionnel créa l’ire d’une frange importante de la population sénégalaise, poussant au soulèvement populaire. Force est d’ailleurs de remarquer que le chef de l’état n’a nullement parlé de report dans son speech en utilisant une ruse et en invitant les acteurs à un dialogue devant permettre l’organisation d’une élection libre, démocratique, transparente et inclusive. Et pourtant, il avait appelé au dialogue le 31 mai dernier, dialogue auquel certains opposants n’avaient pas pris part.
Ceux qui y étaient comme le PDS de Karim Wade, Cheikh Tidiane Gadio et Cheikh Bamba Dièye, pour ne citer que ceux là, se sont vu blacklister avec le parrainage. C’est ce même parrainage qui a été fustigé par la Cedeao et qui nous a mis dans cette situation insoutenable et inacceptable. Mais la chose qui frappe notre attention est cette récupération du pouvoir à la suite de l’introduction d’un recours et la plainte des libéraux à l’endroit de deux membres du Conseil constitutionnel accusés de corruption.
Les députés de la majorité en ont fait leur affaire pour reporter l’élection tout en fustigeant la pléthore de candidats. Tout porte à croire que leur candidat, Amadou Ba est l’agneau du sacrifice car étant jugé impopulaire. Cet argument tient sa source des sondages qui amènent le premier ministre au second tour et d’autres le relèguent même en troisième position. Il fallait trouver un subterfuge pour le liquider, choisir certainement un autre, et également faire participer un futur allié ayant participé aux précédentes concertations. Ne perdons pas de vue que le libéral en Chef, ancien Président de sa trempe n’œuvre que pour une retrouvaille de la famille libérale.
Il a dit urbi et orbi qu’il veut que les libéraux nous gouvernent durant 50 ans comme ce fut le cas avec les socialistes. Et finalement, on se pose la question de savoir: que fait-on de la volonté du Sénégalais lambda, apolitique et qui vote? Tout se trame en fin de compte derrière son dos et souvent à l’insu des militants et sympathisants de plusieurs corporations politiques. Pour rappel, en 2016, Macky Sall avait voulu réduire son mandat de 7 à 5 ans et les sages du Conseil avaient donné un avis qu’il a ipso facto adopté.
Si ce même conseil s’oppose à la candidature de certains, pourquoi ne pas s’y conformer car la Constitution est au dessus de tous. En 1993 , le juge Kéba Mbaye avait démissionné et un autre en la personne de Maître Babacar Sèye assassiné mais cela n’a pas empêché la tenue à date échue de la présidentielle. L’article 31 de la constitution stipule pourtant que: « le scrutin pour l’élection du Président de la République a lieu quarante -cinq jours francs au plus et trente jours au moins avant la date de l’expiration du mandat du Président en fonction. Si la Présidence est vacante, par démission, empêchement définitif ou décès, le scrutin aura lieu dans les soixante jours au moins et quatre-vingt dix jours au plus, après la constatation de la vacance par le Conseil Constitutionnel ».
Donc celui qui est le garant de notre Charte fondamentale, comme le dit l’article 42, l’a tout simplement bafouée. À la suite des émeutes causées par ce report, de jeunes manifestants y ont perdu la vie, des enseignants sont incarcérés, des marches interdites, la presse brimée, l’internet coupé, les personnes en situation de handicap torturées.
Comme à son habitude le Président sort de ses gongs pour appeler à la retenue et dire à haute et intelligible voix que si la classe politique n’est pas capable de sortir de cette crise, il y a des forces plus organisées qui risqueront de nous gouverner. Un discours qui laisse bon nombre de nos compatriotes perplexes. Est- ce à dire que notre Président préfère cette hypothèse que de léguer le pouvoir à l’opposition ?
Depuis lors , la crise sociale s’est empirée avec la grève des syndicats, les manifestations qui vont crescendo avec des casses, des commerces fermés et saccagés…Sachant qu’il est en position inconfortable, il est, dans sa magnanimité et mansuétude, en train de mijoter une loi d’amnistie comme le sussurent certains, afin de sortir Ousmane Sonko des geôles ainsi que tous les autres détenus politiques. Nous avons eu la nouvelle par l’entremise de Pierre Goudiaby Atepa, ce même cadre casamançais qui était récemment traité d’escroc par le Chef de l’état.
Last but not least, nos anciens Présidents Diouf et Wade font une déclaration conjointe demandant aux acteurs politiques de pacifier l’espace. Sur ce communiqué, nous ne les avons pas malheureusement vu fustiger les décès via les bavures, le report de l’élection et les arrestations arbitraires. Comment peuvent-ils d’ailleurs acter ce report alors que le Conseil constitutionnel ne s’est pas encore prononcé? Rappelons que le Président Wade est jusqu’à l’heure où nous écrivons ces lignes le Secrétaire Général de son parti.
Les rapports du Président Diouf et l’actuel Chef d’état ne nous sont pas aussi méconnus. Nous pensons qu’ils tentent de couvrir leur lieutenant sous les oripeaux de cette déclaration conjointe. Notre pays a besoin de tous ses fils car l’enjeu est ailleurs. Avec la découverte des ressources pétrolières et gazières ainsi que le terrorisme qui nous guette nous avons l’obligation de conjuguer nos efforts pour émerger et éviter d’être infiltrés. Parfois on a envie de se demander si les hommes politiques méritent de nous gouverner. A défaut d’avoir des politiciens vertueux, est-ce qu’il ne faudrait pas choisir des technocrates et autres hommes ou femmes d’affaires?
Mamadou Lamine Biaye,
Coordonnateur Grand Parti SEDHIOU,
membre de la Convention des Cadres du Grand Parti.