Quelle est la logique ou la pertinence d’une révision constitutionnelle à moins de huit mois d’une élection présidentielle pour laquelle vous ne serez pas candidat ? Surtout qu’elle voudrait renforcer les pouvoirs d’un président de la République, déjà trop balaise.
Dans la constitution actuelle, l’Article 87 dit ceci : « Le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Premier Ministre et celui du Président de l’Assemblée nationale, prononcer, par décret, la dissolution de l’Assemblée nationale.
Toutefois, la dissolution ne peut intervenir durant les deux premières années de législature ». La proposition de révision constitutionnelle voudrait faire disparaitre subtilement et de manière hâtive cette dernière phrase pour quelle raison ? L’évidence est que le verrou sautera, l’impossibilité à dissoudre l’Assemblée nationale durant les deux premières années de la législature, par la président de la République.
Le projet de loi portant révision de la constitution qui sera soumis à l’Assemblée nationale peut être rangé dans la catégorie des lois sur la promotion de l’hyper-présidentialisme en cours. Cette loi sera sur la liste des révisions constitutionnelles déconsolidentes. Si cette loi portant révision de la constitution est votée par l’Assemblée nationale, elle donnera au Pouvoir exécutif un droit unilatéral de vie et de mort sur le Pouvoir législatif.
Le Président Macky SALL, voudrait-il entraîner dans sa chute tous les pouvoirs ? Ou bien voudrait-il uniquement un couplage des élections présidentielle et législative à travers cette révision ? Dans tous les cas une telle révision n’est pas pertinente dans une démocratie. Si elle sera actée, « la tutelle actuelle qu’exercerait le Pouvoir exécutif sur le Pouvoir législatif » serait plus qu’apparente et entière, les conséquences seraient très graves en termes de recul démocratique. Valider une telle révision constitutionnelle serait synonyme d’une dissolution de l’Assemblée nationale au mois de décembre 2023. En d’autres termes, l’Assemblée nationale aura entre ses mains le couteau avec lequel on tente de lui trancher la gorge. Espérons que les effets d’une fin de règne déclencheront des sursauts d’orgueil et d’honneur.
Les tensions et les réalités d’un prochain départ au pouvoir (africain) connu sont difficilement gérables. Ils demandent lucidité, dignité, rigueur et grandeur.
Macky part, mais voudrait rester encore maître du jeu. Il ferait des crocs en jambe même dans la solennité de la passation de service avec son successeur. L’homme demeurera politique à l’éternel !
Cette révision constitutionnelle a-t-elle été discutée en commission dans le dialogue national, rejeté par une partie de l’opposition ? Pourquoi, un tel projet de révision constitutionnelle ne serait-il pas l’objet d’un réel débat politique, une large concertation entre tous les acteurs.
Maintenant que le pouvoir en place a des garanties d’une éventuelle majorité confortable grâce à ses nouveaux alliés à l’Assemblée nationale, il actionne ses derniers leviers pour nier l’expression démocratique, une volonté populaire issue des récentes élections législatives.
Une démocratie est faite et entretenue par des Hommes, non sans oublier que les Hommes passent et les Institutions demeurent. En d’autres termes, il faudra un équilibre en toute chose. Les Hommes ne doivent jamais oublier qu’ils ne sont pas les institutions qu’ils incarnent, que les institutions par contre ne sont pas des objets de décoration républicaine, elles organisent notre commun vouloir de vie commune.
En disant en ses partisans, « si vous me faites confiance, je vous accompagnerai jusqu’au pouvoir », c’était déjà assez clair comme message. Les huit mois de transition seront assez chargées de luttes et de combines politiques. Le futur candidat de ce qui resterait du camp du pouvoir partirait sur une ligne de course avec tous les avantages de la magie du pouvoir, mais ça ne serait jamais assez suffisant pour gagner une élection dans le contexte actuel du Sénégal. Le vent de la révolution a sonné, il balaiera vestiges et reliques politiques faisant obstruction à la bonne respiration démocratique, à l’épanouissement économique légitime du Sénégal.
Au Sénégal le Pouvoir exécutif a toujours été le pouvoir dominant, depuis la Constitution de 1963. Cependant, il ne reste pas moins influencé par l’Homme qui l’incarne, en s’adaptant littéralement à son tempérament, sa boulimie.
Un départ n’est jamais facile, elle s’accompagne toujours de calculs, de regrets, de peur…, surtout quand il s’agit du pouvoir dans le contexte africain.
Dans sa logique d’accompagner son camp dans la conquête du pouvoir, Macky SALL a le devoir et l’obligation de demeurer imperturbable dans ses fonctions de président de la République du Sénégal, de rester fidèle à son message du 3 juillet 2023, « le Sénégal dépasse ma personne ». Certes, c’est son droit absolu d’accompagner son camp, mais il n’a pas le droit, ni de s’arroger un attribut sur le choix de ceux qui doivent conquérir au poste de président de la République, ni de tenter de barrer la route, par quelques subterfuges que ce soit, à un quelconque candidat.
Dissoudre l’Assemblée nationale en décembre 2023, bloquer la participation de Ousmane SONKO aux élections présidentielles du 25 février 2024 serait un scénario qui laisserait le Sénégal dans une éternelle tension politique. L’unique issue politique du Sénégal est la tenue d’une élection inclusive, libre et transparente, tout autre schéma politique serait hasardeux.
Les priorités du moment devraient être des solutions pour une bonne campagne agricole 2023-2024, la prévention des risques d’inondation dans les grandes villes comme Dakar, la libération des détenus politiques, l’arrêt des violations des droits des opposants, des garanties et dispositions claires pour semer les graines d’un transition politique apaisée.