La plume est à vous : Des remarques sur la sortie médiatique du 11 mars 2022 de Ousmane Sonko (Serigne Chouébou DIONE).
Ma parole ne sera pas la bienvenue auprès d’un grand nombre de personnes vouant une très grande affection à Seydina Ousmane, surtout dans l’euphorie de sa sortie médiatique.
N’ayant pas le sentiment qu’un Sénégalais désire le changement positif plus que moi, je n’ai pas problème à rester sur une ligne libérée des affects vis-à-vis d’une personnalité, y compris de mon propre « camp ».
Sur une bonne partie de son message, je suis, comme d’habitude, d’accord avec Ousmane Sonko. Je salue son engagement politique. Nous sommes nombreux à marcher sur une ligne politique similaire. On peut garder l’espoir que ce soit de bonne augure pour le Sénégal.
J’ai d’ailleurs apprécié ses remarques critiques sur les propositions de Ànd sàmm jikko yi. Je me rappelle avoir mis en garde sur une certaine façon de mener le combat juridique contre l’homosexualité (souvent, on reçoit très peu de « j’aime », ndax Sénégal réew mu nàqaree waxee la 😇).
J’ai néanmoins des réserves sur deux points de sa communication du 11 mars. Il ne s’agit que de deux points, mais non de moindre importance.
La première concerne sa double façon de considérer l’institution étatique.
On lui demande, en tant que maire, s’il compte collaborer avec l’État central.
Le PROS ne se contente pas de répondre par l’affirmative. Il donne une leçon très salutaire sur la nécessaire distinction entre ce qui relève de la posture politique du leader et ce qui relève du rapport entre les institutions de l’État (rapports entre une collectivité territoriale et l’État central).
Il va même jusqu’à reprocher aux Sénégalais de souvent faire l’amalgame entre ces deux registres.
Quelques instants plus tard, lorsqu’on lui demande son opinion sur la nomination manifestement tardive du Premier ministre, PROS juge pourtant que cela ne l’intéresse absolument pas.
Il charrie même Ngouda Mboup et, au passage, qualifie de juridisme le fait de s’inquiéter sur la légalité des décrets (alors que lui-même, maire, pourrait voir des actes subséquents à ces décrets annulés pour illégalité, si des justiciables attaquent ceux-ci et si le pouvoir juridictionnel accomplit pleinement sa mission).
Je me rappelle pourtant du PROS, il y a un an, très pointilleux sur le droit de résistance à l’oppression, s’appuyant entre autres sur les arguments mis en évidence par Ngouda Mboup et par moi-même. Il mobilisa alors activement le droit constitutionnel pour justifier son action.
Il m’est venu à l’esprit les propos d’un juriste haïtien dénonçant l’attitude des acteurs politiques de son pays:
« La Constitution, la loi, on s’en réfère quand on veut bluffer les autres ou quand on n’a pas ou plus le pouvoir à sa disposition ».
Il pointait du doigt le fait que la société haïtienne est basée sur des personnalités politiques ou économiques mais pas sur des lois et les institutions publiques et que la culture de la force ou de la pression prévaut sur le respect de la loi.
C’est un point sur lequel méditer à propos des « tactiques » politiques de O. Sonko.
Je vous assure que nous disons cela en ayant pleine conscience d’une subtilité : le peuple sénégalais n’a pas encore les institutions publiques qui lui correspondent.
Toutefois, d’ici-là, il y a un minimum de choses à observer…
La deuxième réserve, je l’avais déjà évoquée récemment, elle concerne la position de PROS sur la loi sur le parrainage.
Son attaque frontale contre la loi est en contradiction avec la dernière position officielle de Yeewwi.
Devant des milliers de Sénégalais, d’une part, PROS dénonce le principe du parrainage, d’autre part, il discrédite son application aux législatives. Pour autant, lors des discussions entre le Ministre de l’intérieur et les forces politiques, le représentant de Yeewwi Askan wi, qui plus est, membre de Pasteef, propose le maintien du parrainage.
Est-ce un double discours selon l’environnement de communication ? (bien entendu, jamais des milliers de Sénégalais n’auront le temps ni la motivation d’aller guetter la teneur des discussions entre le Gouvernement et les forces politiques. Cependant, ils ne rateront pour rien au monde la parole du PROS. Ainsi va la politique et nous l’avons intégré).
Doit-on considérer que PROS désavoue la position de son camp ?
Doit-on considérer que l’opinion de PROS ne pèse pas dans Yeewwi au point qu’une position totalement inverse soit prise par sa coalition ?…
Je ne sais à quelle hypothèse me fier pour le moment…
Voilà les quelques remarques que je dépose ici. Je ne tiens pas à ce qu’elles servent de projectiles au profit des « anti »Sonko.
Je me positionne à autre niveau, celui de relever ce qui me semble important à relever.
Serigne Chouébou DIONE.
Teranga Sénégal