Dès l’introduction du texte d’Ismaîla Madior Fall on peut voir un concept qui aurait dû lui permettre de faire l’économie du reste : « la cohabitation ou coexistence, une notion non juridique mais politique… ».
Le droit est un des leviers da la politique entendue comme l’art de gérer la cité. Sous ce rapport, la cohabitation est d’autant plus noble et utile qu’elle traduit une respiration démocratique voire une rémission politique d’une démocratie gangrénée par un monolithisme asphyxiant.
C’est évident que si le système politique sénégalais (notamment par la Constitution) est différent de celui français, la notion de cohabitation aura chez nous un contenu différent : là n’est pas le problème. Chaque peuple a ses lois, ses coutumes et sa tradition politique, et c’est en fonction de ces données relatives qu’il résout les controverses et situations conjoncturelles.
Heureusement donc que la cohabitation n’est pas une notion de droit, mais un état d’esprit d’un peuple, d’une démocratie. Un peuple peut dire : « je pense que les pouvoirs que j’ai donnés à untel sont exorbitants au regard de l’usage nocif qu’il en fait, je décide donc de lui reprendre une partie de ces pouvoirs pour les conférer à d’autres parmi mes fils ».
Voilà comment je théoriserais la cohabitation : c’est une éthique politique démocratique et non une crise comme le laisse entendre le professeur IMF. La souveraineté du peuple n’est pas négociable, or tout au long du texte d’IMF, on a l’impression qu’il est loisible au Président de mettre en hibernation ou en congé le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs.
J’aimerais bien que le professeur nous dise pourquoi la constitution (article 87) dispose qu’il faut deux ans de législature pour que le Président puisse dissoudre l’Assemblée ? Pourquoi Cette garantie ou sous soupape de protection ? J’aurais également aimé que le professeur IMF nous dise pourquoi il présume que le Président n’est pas psychologiquement capable de s’entendre avec le parlement pour que les grands principes de fonctionnement de notre Etat ne soient pas mis en péril ? S’il y a cohabitation ne serait-il pas plus judicieux de se demander pourquoi le peuple a choisi de ne pas donner une majorité absolue ou relative au camp présidentiel ? Que veut réellement le peuple par cet acte souverain ?
La conclusion du texte d’IMF n’est ni du droit ni de l’analyse politique : c’est juste un Conseil politique à Macky Sall de forcer et de foncer contre la volonté populaire. Lubrification de mécanique parlementaire ! Ismaila Madior Fall invente ici une perversion ou plus exactement une perversité de la démocratie au cœur de la République, un viol de la volonté populaire pour tirer d’affaire Macky.
La cohabitation est impossible parce que selon lui le gouvernement est responsable devant l’assemblée et devant le président. Mais qui va voter les lois ? Les budgets ? L’assemblée ne peut-elle pas modifier certaines dispositions constitutionnelles pour, à son tour, lubrifier la mécanique gouvernementale ?