L’engagement politique des journalistes au Sénégal, qui, de plus en plus en plus, participent aux joutes électorales était ce mardi au centre d’un débat organisé par le Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias (Cored), dans le cadre de ses rencontres dénommées ‘’Les cas d’école du Cored’’.
‘’Journalisme et engagement politique : est-ce possible ?’’ est l’épineuse question à laquelle se sont efforcés de répondre la présidente du tribunal des pairs du Cored, Eugénie Rokhaya Aw, le ministre, secrétaire général du gouvernement, Abdou Latif Coulibaly, et le directeur de l’Ecole supérieure de journalisme, des métiers de l’Internet et de la communication (E-jicom), Hamadou Tidiane Sy.
Cet ‘’exercice, le cinquième du genre à être organisé par le Cored, après une pause de plusieurs années’’, se veut un ‘’rendez-vous bimestriel pour poser sur la table des thèmes d’actualité, pour susciter le débat’’, a expliqué le président du Cored, Mamadou Thior.
Selon lui, il est légitime de s’interroger sur ‘’la compatibilité entre l’exercice du métier de journaliste et l’engagement politique’’. Cela découle, a dit Thior, du ‘’nombre important de journalistes investis lors des élections locales’’ et des nombreuses déclarations de candidature faites par des journalistes de métier en vue des prochaines élections législatives.
Pour Eugénie Rokhaya Aw, ‘’même s’il apparaît très difficile dans la pratique de pouvoir concilier discipline politique et intelligence journalistique, les deux peuvent être compatibles’’.
Cette ancienne militante de la gauche relève que ‘’nous avons des textes qui, quelles que soient leurs imperfections, sont des guides’’. ‘’Pour les comprendre, nous devons interroger notre société, sa mutation, nos ego et notre rapport avec l’Etat (…) en nous appuyant sur ce qui s’est passé’’, a-t-elle proposé.
Mais ‘’de cette mise en opposition, on peut dire que le journalisme et l’engagement politique ne sont pas incompatibles’’, estime pour sa part l’ancien journaliste Abdou Latif Coulibaly. ‘’Le rapport que j’ai de l’éthique m’empêche d’allier les deux’’, tranche-t-il.
‘’Faire les deux n’est pas une chose aisée ni commode. Mon point de vue est qu’il n’est pas possible de cumuler les deux. (…) Je crois que l’éthique que chacun se fait est déterminante par rapport au choix à adopter face à une telle situation’’, martèle M. Coulibaly.
L’exercice du métier de journaliste est ‘’un libre choix, un travail à temps plein, qui répond à des règles de fond et de forme’’, dont la pratique, pour des raisons liées aux exigences de ‘’neutralité et de crédibilité’’, s’accommode ‘’très difficilement’’ de l’engagement politique au sein d’un parti ou d’un mouvement politique’’.
Le ministre, secrétaire général du gouvernement a par ailleurs invité les instances de régulation des médias à être beaucoup plus regardants, concernant ‘’l’interdiction faite au journaliste de confondre son métier avec celui de publicitaire’’, mais aussi aux ‘’dérives’’ notées dans une ‘’certaine manière de faire la revue de presse, la chronique, de plus en plus en vogue.’’
Pour sa part, le directeur de l’E-jicom, Hamadou Tidiane Sy, a rappelé que ‘’le journalisme est un métier de liberté, une liberté fondamentale à défendre…’’
Selon lui, la question ne se pose quasiment plus dans les pays anglo-saxons, lesquels ont mis en place un environnement propice à l’engagement idéologique et politique des journalistes, en les autorisant même à donner des consignes de vote.
‘’Cependant, chez nous, pour des questions de crédibilité, d’équité et de justice entre les acteurs politiques, il est impossible de concilier les deux, car nous avons un contrat moral avec le public’’, a-t-il argué.
Pour le directeur de la communication, au ministère de la Culture et de la Communication, Ousseynou Dieng, cette situation ‘’ne doit pas être acceptée dans un pays qui se veut pluriel et démocratique, car il y va de la stabilité du pays’’. ‘’C’est dangereux. Un journaliste sérieux et respecté ne devrait pas être à l’aise en politique, et le public non plus ne devrait pas l’accepter’’, a-t-il insisté.
‘’Je pense que nous avons tous la capacité d’être honnêtes pour à la fois être journaliste et avoir des convictions politiques connues’’, a soutenu l’ancien journaliste Mademba Ndiaye, modérateur du débat