L’édition du journal Le Soleil que vous tenez entre les mains est le 16 188ème numéro. Autant d’éditions, de Unes, de centaines d’appels à la Une pour des millions d’articles que des générations et des générations de lecteurs ont parcourus depuis le 19 mai 1970. Cette date marque, en effet, la parution du premier numéro du quotidien national sous le titre « Le Soleil du Sénégal ». La naissance du journal, sur les cendres du quotidien « Dakar-Matin » qui avait lui-même pris le relais du « Paris-Dakar » au lendemain de l’apparition du « Soleil des indépendances », pour paraphraser le célèbre roman de l’écrivain ivoirien, Ahmadou Kourouma, est l’aboutissement d’un long processus qui a commencé quatre ans plus tôt.
Dans son ouvrage « Naissance de la presse quotidienne au Sénégal : L’épopée de Paris-Dakar et de Dakar-Matin (1937-1970) », le Pr Mamadou Koumé revient sur cet épisode qui va sonner comme une révolution car marquant la fin de la « presse quotidienne coloniale » dix ans après l’accession du Sénégal à la souveraineté nationale.
La volonté de créer un journal débarrassé de ses ersatz coloniaux date donc de 1966, selon le Pr Koumé. L’idée a germé au congrès de janvier 1966 de l’Union progressiste sénégalais, parti unique à l’époque et ancêtre du Parti socialiste. Non pas pour concurrencer Dakar-Matin, mais pour le remplacer. Dès lors, les jours de ce canard étaient comptés. Pourtant, Dakar-Matin survivra encore quelques années puisqu’il a fallu quatre ans aux autorités sénégalaises pour mener les démarches avec des partenaires français pour lancer le nouveau journal. Ce qui était un souhait en 1966, devient une réalité au congrès de l’Ups de 1969. Et l’annonce est faite par Thierno Diop, le Secrétaire à la presse du parti.
MOYEN PRIVILÉGIÉ D’ANIMATION
Et voilà les raisons qu’il a avancées et que reprend Mamadou Koumé dans son ouvrage : « Dakar-Matin est resté ce qu’était Paris-Dakar. C’est-à-dire un journal non pas colonialiste mais colonial et essentiellement et exclusivement commercial. En cette fin 1969, le Sénégal reste donc privé d’un quotidien véritablement national. Ce qui est grave. En effet, l’image qu’offre le Sénégal aux étrangers est actuellement médiocre et le rôle d’un véritable organe de presse, être un moyen privilégié d’animation, de vulgarisation, d’explication, de coordination, n’est pas rempli. Avec prudence, on peut annoncer que le Sénégal aura son quotidien avant la fin du mois de juillet. Le journal qui paraîtra sur huit pages sera en étroite liaison avec l’Ups, le Rédacteur en chef serait membre du bureau politique du parti et fera une très large place aux nouvelles nationales et régionales ».
Autre temps, autre mœurs. Avec cette déclaration du Secrétaire à la presse de l’Ups, transparaît nettement, relève M. Koumé, « la conception que se font les autorités d’un quotidien, celle qui assigne au journal un rôle de porte-parole, d’amplificateur de la politique officielle ». Mais aujourd’hui, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.
Toujours est-il que, finalement, c’est le 16 mai 1970 que Dakar-Matin quittera la scène avec son dernier numéro. Trois jours plus tard, le premier numéro du nouveau quotidien national, édité par la Société sénégalaise d’éditions dont l’État du Sénégal détient 65 % du capital, paraît sous le titre de « Le Soleil du Sénégal ». L’équipe du nouveau quotidien est composée de « journalistes sénégalais, connaissant leur métier et pleins d’enthousiasmes et est dotée de moyens financiers renforcés avec une large assistance technique en personnel du gouvernement français », précise Mamadou Koumé. Aly Dioum en est le Directeur de publication, Bara Diouf le Rédacteur en chef (il en deviendra le Pdg de 1974 à 1988).
Dans le premier numéro, la Une principale a été consacrée au Gamou de Tivaouane notamment à l’appel du Khalife général des Tidianes, Abdou Aziz Sy Dabakh, aux paysans : « Soyez de votre temps ». Et puis, il y a cet éditorial intitulé « Aujourd’hui, l’événement, c’est aussi Le Soleil ». Cinquante-quatre ans plus tard, Le Soleil continue de traiter les événements et de faire