Le dynamisme économique mouride nous semble jusque-là peu exploré et peu exploité : le mode de financement solidaire qui le sous-tend comme « Touba ca Kanam », devrait faire l’objet de recherches approfondies en vue de son expérimentation dans les grands défis économiques de notre pays. Les problèmes de moyens de communication (route, autoroute, chemin de fer, etc.) peuvent être largement solutionnés par ce mode de financement.
Les concessions faites à des firmes internationales qui viennent exploiter nos ressources et rapatrier leurs devises devraient pouvoir être faites à des institutions comme « Touba Ca Kanam » ou à des entités de ce genre. S’il est vrai que la technicité pour faire une autoroute Ila Touba peut faire défaut, les ressources financières suffisantes pour l’acheter sont potentiellement disponibles. Dans tous les cas un peu plus d’intelligence avec ces structures financières devrait permettre à l’Etat de mobiliser suffisamment d’argent pour réaliser de gros investissements. Les financements locaux sont doublement bénéfiques : d’abord ils boostent les entreprises ou firmes nationales ; ensuite ils n’entrainent pas une perte de devises.
Les encourager, c’est par conséquent faire preuve non pas de nationalisme chauvin, mais de réalisme économique. Dans tous les pays du monde la structure économique prend racine dans la structure de la société ; les modes de production et les rapports sociaux sont toujours solidaires. Nos Etats doivent sans délai et sans complexe investir les modes de financement solidaire tels que pratiqués par « Touba Ca Kanam » pour résorber l’énorme gap de financement dans les domaines prioritaires tels que la santé, l’éducation, les infrastructures de transport, etc.
Il faudrait également songer du côté de la communauté mouride à profiter du leadership de Serigne Mountakha pour formaliser davantage ses structures financières. Nous sommes dans un monde où il n’y a plus de frontière entre l’économique et les autres sphères de la société ; mieux tous les rapports sociaux sont menacés de monétisation. Pour ne pas rester en rade, et subir le diktat de la monétarisation à outrance, il faut définir son propre système de financement en s’inspirant de l’expérience et de l’histoire du mouridisme.
Une communauté jadis vouée à une existence éphémère a, par la force de l’abnégation et la morale du travail, réussi en plein XXe siècle à s’implanter dans des zones démunies et à y faire éclore une économie rurale qui a fini d’inspirer l’économie dans les zones urbaines. La solidarité dans le milieu rural, le culte du travail au profit de la communauté (et non pas pour son épanouissement personnel), le Hadiya (cadeau) fait à la communauté en la personne de son guide, etc. sont des vecteurs de croissance qu’on ne peut plus ignorer dans nos sociétés.
Pape Sadio THIAM
Enseignant-Chercheur