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Contribution d’un ingénieur sur Problématique de l’eau de Touba

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En 2007 (il y a 15 ans déjà !!), ingénieur junior, je faisais partie de l’équipe chargée par l’AATR (AGEROUTE aujourd’hui) de mener l’étude intitulée « études de faisabilité pour l’aménagement canal du Baol pour l’approvisionnement en eau potable de la ville de Touba ». Le projet dont l’idée venait du président Wade avait pour objet de « rechercher le moyen le plus approprié pour le transfert et le traitement de l’eau du lac de Guiers à Touba afin de satisfaire la demande en eau potable des habitants de la ville et de ses environs jusqu’à l’horizon 2025 ». Il s’inscrivait dans le cadre du projet de modernisation des villes religieuses dont la plus grande composante était de la voirie (ce qui explique que l’AATR s’en est occupé comme maitre d’ouvrage).

Le projet comportait alors deux tranches : « une tranche ferme », qui concernait l’étude de préfaisabilité et une « tranche conditionnelle » qui devrait consister à faire l’étude détaillée.

Dès le début de l’étude, on nous avait « soufflé » que le président Wade avait un fort penchant pour une solution « canal » par ce que son idée était de trouver son « canal du Cayor » à lui, du nom du fameux projet de son prédécesseur, le président Abdou Diouf (qui ne sera jamais mis en œuvre malgré la tonne de documents produits et des investissements importants notamment en frais d’étude).

Ce serait aussi l’occasion pour lui de mettre en œuvre une de ses promesses de campagnes de 2007 et 2000 : doter la partie Nord du pays dont la pluviométrie est déficitaire et surtout irrégulière, d’un réseau hydrographique artificiel pouvant impulser le développement de l’agriculture de contre saison seul moyen d’atteindre l’autosuffisance alimentaire pour le pays. En effet, bien qu’aride et peu arrosée, la zone située entre la ville sainte de Touba et le lac de Guiers à cheval entre les départements de Louga, Linguère, Kébémer et Mbacké (sur un axe Nord – Sud), est une zone agricole et de pâturage. C’est également la route de passage des troupeaux sur le chemin de la transhumance entre les régions de Thiès, Louga et Diourbel, vers le Ferlo dans la région de Matam.

Nous avions alors proposé deux solutions :

✍️Solution 1 : Transfert direct en conduite fermée avec trois variantes selon qu’il y’ait ou non des services en route. Ce tracé plus direct nécessitait 108 km de canalisations entre la prise et le site de la station de traitement prévue à Taw Feikh au Nord de la ville Sainte ;

✍️Solution 2 : Transfert mixte en refoulement puis en canal ouvert avec services en route notamment pour l’agriculture et l’élevage. Le tracé pour cette solution est légèrement plus long (114 km) du fait de la nécessité de suivre le chemin favorable suivant la topographie sur la partie gravitaire. Le site de la station est le même que pour la solution 1.

Ce qu’il faut noter cependant (et qui est important) est que la partie la plus proche du Lac par rapport à Touba et qui est susceptible d’abriter la prise d’eau brute du projet est à des cotes tourant autour de 5-7 m NGS sur la terre ferme (sans compter que la prise sera autour de 2 à 1.50 m NGS) tandis que Touba est à des cotes autour de 40 – 42 m NGS. Entre les deux localités, sur un chemin direct, la ligne de crête se trouve à des cotes de 55 – 60 m NGS quasiment à mi-chemin. Contrairement à ce qu’un non averti pourrait naïvement penser, il ne s’agira évidemment pas de creuser simplement pour que l’eau du lac de Guiers jaillisse à Touba. La topographie est telle qu’il soit nécessaire de pomper sur au moins la moitié du chemin. Ce n’est par contre pas vraiment un handicap, les refoulements en hydraulique, c’est quasiment la règle surtout que la distance de pompage n’est pas aussi grande que ça (un peu plus de 50 km).

Pour ne pas rentrer dans les détails et être trop long, la comparaison technico-économique et environnementale des variantes issues des deux solutions avait penché vers une solution en refoulement directe avec possibilité de desservir les localités et surfaces agricoles en route. En effet, la solution “canal” bien que très intéressante et surtout spectaculaire avait beaucoup d’inconvénients (perte énorme d’eau par évaporation la zone étant très chaude, nécessité de prévoir beaucoup d’ouvrages de franchissement y compris pour le bétail, nécessité de sécuriser tout le tracé pour éviter les accidents de tout genre, charges d’entretien importantes notamment pour lutter contre l’ensablement et l’envahissement du canal par des plantes aquatiques telles que le typhas etc…. Ce serait en fait une autoroute d’eau à réaliser sur près de 60 km avec tout ce que ça comporte comme contraintes, libération des emprises comprise.  Contrairement à certains articles de presque de l’époque, nous n’avions pas “rejeté le canal du Baol du président Wade”, (d’ailleurs on n’en avait pas le pouvoir), nous avions simplement proposé la solution la plus simple tout en prenant le soin d’étudier toutes les solutions avec le même niveau de détails.

Alors que nous avions rendu et fait valider tous les livrables prévus, et attendions un « go » sur la tranche conditionnelle, le projet fut arrêté, sans qu’on ait vraiment compris pourquoi. Plus tard, nous avons appris que des gens sont venu expliquer au président Wade que cette solution pour la ville de Touba est une folie, ils avaient des solutions pour traiter l’eau des forages à des coûts d’investissement et d’exploitations largement plus faibles. J’ai eu une grosse déception de ne pas pouvoir poursuivre ce projet couteux certes mais ambitieux, important et utile. Comme pour le canal du Cayor, le canal du Baol venait à son tour de mourir d’une mort brusque.

C’est donc tout heureux que j’ai écouté la déclaration du Khalif général des Mourides, le vénéré Serigne Mountakha Mbacké souhaitant que la ville soit desservie à partir du lac de Guiers.

Bien que d’autres solutions existent et soient sérieusement à l’étude (champs captant de Sadio avec une eau de qualité comparable et plus simple et moins coûteux à mettre en œuvre), Touba, la ville la plus peuplée du Sénégal après Dakar aurait dû, depuis longtemps disposer d’infrastructures capables de lui garantir une solution pérenne à son alimentation en eau potable. Les plus hautes autorités de ce pays devraient se pencher sérieusement sur la question, une solution définitive et durable étant largement à portée de main.

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