Audit de lotissements à Dakar, Thiès et Saint-Louis : “Il y a eu des cas d’accaparement avérés de terres”, déclare le DGSCOS
L’État a laissé des fonctionnaires “faire et défaire” les procédures “à eux seuls”, ce qui a engendré des “cas d’accaparement avérés” de terres et des irrégularités ayant poussé un comité technique constitué par le gouvernement à proposer aux autorités d’annuler des lotissements effectués à Dakar, Thiès (ouest) et Saint-Louis (nord), a déclaré à l’APS le colonel Amadou Ousmane Ba, directeur général de la surveillance et du contrôle de l’occupation des sols (DGSCOS).
“À un moment donné, l’État n’a pas joué son rôle de contrôle […] On a laissé aussi des fonctionnaires à eux seuls faire et défaire [les procédures]. Je pense que ce n’est pas raisonnable, même si le fait de le dire est un jugement de valeur”, a dit M. Ba.
Il existe “des cas d’accaparement avérés” de terres, au-delà des irrégularités notées dans des lotissements effectués dans les régions de Dakar, Saint-Louis et Thiès.
Un comité technique constitué de représentants de plusieurs ministères a proposé aux autorités plusieurs mesures, dont “l’annulation de tout ou partie des attributions” en question, “en raison du non-respect des procédures fixées par la réglementation en la matière”, selon le communiqué du Conseil des ministres du 12 mars.
Certains médias ont publié des informations selon lesquelles des hommes politiques et des hommes d’affaires font partie des propriétaires des parcelles dont le lotissement est jugé défectueux.
Mais le DGSCOS laisse entendre, pour sa part, que les personnes identifiées comme étant les propriétaires n’appartiennent pas à une seule catégorie sociale ou professionnelle.
— Des “irrégularités préoccupantes” —
Selon Amadou Ousmane Ba, leur “amitié” avec des personnes influentes et leurs “moyens financiers” ont permis à certains d’accéder à ces terres, dont une partie appartient au domaine public maritime, sur lequel il est interdit de construire.
Le directeur général de la surveillance et du contrôle de l’occupation des sols signale aussi des “cas d’accaparement avérés” de terres faisant partie des lotissements litigieux.
Une partie des parcelles en question se trouve sur la VDN 3, entre Dakar et Guédiawaye (ouest), a-t-il rappelé, précisant que des lotissements effectués sur cette partie ont été annulés parce qu’ils engendrent “énormément de difficultés” d’accès à la plage et à la mer.
Le comité technique constitué de représentants de plusieurs ministères a proposé au gouvernement de veiller au “maintien” de “la suspension de [certains] travaux, sous réserve de mesures de correction, de tout ou partie de certains lotissements, après un processus de contrôle individuel, notamment [les] attributions multiples à une même personne”, selon le communiqué du Conseil des ministres du 12 mars.
À Guédiawaye, la direction générale de l’urbanisme est en train de procéder à des “réaménagements” du plan d’urbanisme de détail, a dit le colonel Amadou Ousmane Ba, rappelant qu’une partie des lotissements susceptibles d’être supprimés se trouve dans la zone du hangar des pèlerins, à Dakar.
“C’est difficile, mais […] il fallait prendre des mesures courageuses. Il faut s’en réjouir”, a-t-il affirmé en parlant de l’annulation de certains lotissements.
— “Si tout est fait de façon claire, il ne peut pas y avoir des abus” —
Après la première mesure de suspension des lotissements, le gouvernement a mis en place une commission ad hoc chargée du contrôle et de la vérification des titres et occupations sur le domaine public maritime de la région de Dakar.
Cette commission constituée de fonctionnaires des impôts et des domaines, de l’urbanisme et de la DSCOS a remis un rapport au chef de l’État.
Elle signale “plusieurs irrégularités préoccupantes”, d’ordre environnemental, social et économique.
Les autorités semblent aussi se demander comment certaines parcelles ont été acquises.
“On a vu ce qui s’est passé à Mbour 4, [un lotissement se trouvant] à Thiès, avec des centaines d’hectares […] Une personne a 200 mètres carrés, une autre a 200 hectares. Même un hectare, c’est déjà excessif. C’est la même chose qu’on a retrouvé ailleurs, comme au lotissement BOA (à Dakar)”, a dit le directeur général de la surveillance et du contrôle de l’occupation des sols.
“Je pense que tout le monde devrait se féliciter de ce travail”, a-t-il ajouté, souhaitant que “de telles choses ne puissent plus arriver”.
Le colonel Amadou Ousmane Ba déclare que “le lotissement Thiès Nouvelle ville est complètement annulé”.
Selon des informations publiées dans la presse, des parcelles faisant partie de ce lotissement appartiennent à certains des ex-dirigeants du pays.
“C’est là qu’on a trouvé des choses ahurissantes […] Je suis choqué par ce qui a été fait là-bas. Si le président de la République a jugé utile d’aller là-bas pour voir ce qui a été fait, c’est parce qu’il y a des choses qui ne devaient pas se faire”, a poursuivi M. Ba.
— “L’État n’y gagne absolument rien” —
Pourtant, l’État dispose des garde-fous nécessaires pour éviter ces irrégularités, selon le DGSCOS. “Avec l’État, tout est quand même normé. Il y a la Commission de contrôle des opérations domaniales, qui doit normalement affecter les terres. On a l’avantage d’avoir des règles bien définies. Si on les applique de façon stricte, si tout est fait de façon claire, il ne peut pas y avoir des abus”, a-t-il soutenu.
“Mais dès qu’on laisse la latitude à des fonctionnaires de faire des choses en dehors des règles, on se retrouve avec ces cas de figure-là. Je n’étais pas là mais j’imagine que c’est comme ça que ça s’est passé”, a dit Amadou Ousmane Ba, nommé DGSCOS en juin dernier.
Des titres fonciers sur les lotissements remis en cause par les autorités ont été délivrés “en veux-tu en voilà” à des investisseurs privés, dont des étrangers.
“Allez sur le littoral, vous verrez qu’on attribue des terres à des étrangers, ce n’est pas normal. Ces terres sont [réservées] aux habitants des communes [dans lesquelles elles se trouvent]. Dans toutes les collectivités situées sur le domaine maritime, des terres sont attribuées à des non-Sénégalais. On leur dit ensuite de passer les régulariser”, a déclaré M. Ba.
“L’État n’y gagne absolument rien […] Ce sont des choses comme ça qu’on est en train de corriger”, a-t-il dit, ajoutant : “C’est scandaleux, ce qui a été fait. Ce n’est pas normal. Je ne sais pas ce qu’il nous arrive !”