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Affaire Pape Alé Niang : La CAP liste les incohérences du dossier d’accusation

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La Coordination des Associations de Presse (CAP) a rencontré le samedi 12 novembre 2022, à la Maison de la presse Babacar Touré,  le pool des avocats de Pape Alé Niang. Cette rencontre avec les avocats a permis d’établir les faits suivants :

Le journaliste Pape Alé Niang, Directeur de publication du site d’informations Dakar Matin, a été arrêté le dimanche 06 novembre 2022. Il est incarcéré à la prison de Sébikotane. Les chefs d’inculpation suivants ont été retenus contre lui :

• La diffusion d’informations militaires non autorisées par la hiérarchie
• Le  recel de documents administratifs et militaires
• La diffusion de fausses nouvelles de nature à jeter le discrédit sur les institutions publiques.

Pas d’audition sur le rapport interne de la gendarmerie

Pape Alé Niang n’a pas été entendu, ni à la police (en présence de ses avocats), ni devant le juge d’instruction sur le rapport interne de la Gendarmerie.

Sur le plan factuel, il a été entendu à la police une première fois devant ses avocats. Une deuxième fois, la police a voulu l’auditionner, sans la présence de ses avocats. Il a usé de son droit au silence pour s’en tenir à ses premières déclarations.

Les poursuites du Parquet ne visent d’ailleurs pas ce rapport.

Trois chefs d’inculpation, quatre articles visés

Les poursuites portent sur des messages radio de la Police et des Sapeurs-pompiers, sur des vidéos live que Pape Alé Niang a eu à faire sur la mort de François Mancabou, mort en détention, et sur le Général Moussa Fall, Haut commandant de la gendarmerie nationale.
Ainsi trois infractions ont été retenues et quatre articles ont été visés : il s’agit des articles 64, 370, 255 et 430 (430 et 370 étant liés).

Pour une liberté provisoire

Le pool d’avocats va solliciter une audition au fond dès cette semaine et se battre pour obtenir la levée de toutes les charges.
Mais au regard de l’article 139 du Code de procédure pénale, le juge d’instruction n’avait aucun pouvoir d’appréciation sur le mandat de dépôt sollicité par le parquet. Il était tenu de le placer sous le mandat de dépôt

Il n’avait pas la latitude de juger de la pertinence du dossier ou des motivations du procureur.

Les éléments d’un acharnement

L’arrestation de Pape Alé Niang prouve un acharnement. En atteste la fragilité du dossier  sur le plan purement judiciaire. Cette arrestation est le résultat d’une traque de longue date car Pape Alé Niang était sur la ligne de mire du pouvoir depuis plusieurs mois. Pour preuve, certains faits sur lesquels il a été entendu et placé sous mandat de dépôt remontent au mois d’avril 2022. Des faits qui n’ont rien à voir avec la défense nationale.

La vérité est qu’il fallait l’arrêter d’abord, ensuite chercher des motifs d’inculpation. Dès son arrestation, les articles 80 (trouble à l’ordre public) et 363 (violation de secret professionnel) lui ont été collés pour motiver sa garde à vue.

Le même jour, après minuit, contrairement à ce qui a été retenu au début contre lui,  d’autres chefs d’inculpation lui ont été notifiés. L’article 80 a disparu pour céder la place à l’article 430 afin d’introduire le recel de document estampillé « confidentiel » : c’est-à-dire le message de la police et le communiqué de la Brigade des Sapeurs-pompiers.

C’est après son déferrement que le procureur a ajouté l’article 255 qui réprime la diffusion de fausses nouvelles.

On veut faire croire aux Sénégalais que PAN a été arrêté pour avoir divulgué des secrets militaires mais, c’est faire dans l’amalgame. En effet, quand on parle de secret militaire au sens propre du terme, c’est la gendarmerie et l’armée car la Police est un corps paramilitaire. Les accusations faites à PAN portent moins sur le message des Sapeurs-pompiers que sur le message radio du Commandant du Groupement mobile d’intervention la Police (GMI) que PAN a interprété après avoir obtenu le document sur les réseaux sociaux.

PAN un détenu politique

Le dossier juridique est juste un prétexte. Pape Alé Niang est un détenu politique vu les articles visés : 64 et 255. Des infractions et des implications politiques qui en font un détenu politique.

A noter que :
• PAN n’a pas diffusé ce message, mais en tant que professionnel, il s’en est approprié pour faire une analyse et donner son point de vue. Son fondement légal, c’est le devoir d’informer.
• La Brigade de Cybercriminalité dispose des moyens nécessaires pour savoir qui a publié en premier ce document sur les réseaux sociaux.
• Concernant ces types de messages de la Brigade des Sapeurs-pompiers, ils sont toujours placardés dans les casernes, donc à la portée du public.
• Le juge d’instruction est à la merci du Parquet et se retrouve ligoté par les dispositions de l’article 139 du code de procédure pénale tout comme les avocats.
• Le Parquet dans notre système est le représentant du Garde des Sceaux qui est sous l’autorité du Président de la République.

Des infractions politiques

Même si le Code pénal sénégalais n’identifie pas en tant que telle des infractions politiques, les incriminations collées à Pape Alé Niang sont de la catégorie des délits politiques. En effet, certains articles du Code pénal, par leur histoire, sont des infractions politiques par destination. Comme la loi anti casseur (article 80), des dispositions qui ont été mises en place suite à des évènements politiques précis entre les années 1962 et 80.

Ce sont des infractions pour lesquelles l’Etat met la pression sur ceux qui le contrarient et visent le plus souvent les opposants, les activistes, pour des «manœuvres pouvant jeter le discrédit sur des institutions, offense au chef de l’Etat, actes de nature à troubler l’ordre public, ou diffusion de fausses nouvelles». C’est une survivance de régime autoritaire sous le Président Abdou Diouf. Sous le Président Abdoulaye Wade, c’est l’article 255  qui était le favori et le pouvoir actuel du Président Macky Sall, combine les deux.

Les hérésies du dossier

Le dossier Pape Alé Niang vise des infractions inconciliables et incompatibles : Soit les informations sont avérées, donc il n’y a pas de diffusion de fausses nouvelles, soit les  documents sont faux (communiqué radio de la police et communiqué des sapeurs-pompiers) alors il n’y a pas d’informations portant sur un secret défense. Cela crève l’acharnement : il fallait coûte que coûte tenir PAN et le faire taire.

Eloignement du détenu, entrave à la défense

En l’incarcérant à Sébikotane, les autorités placent Pape Alé Niang à des kilomètres du juge d’instruction. Ce qui signifie que le magistrat instructeur n’est pas prêt pour l’entendre dans le fond. Cet éloignement peut être vécu comme un traumatisme car le détenu, s’il le pouvait, communiquerait tous les jours avec ses avocats pour préparer et organiser sa défense. Ce qui n’est pas possible avec cet éloignement. Et l’impossibilité de pouvoir communiquer tous les jours avec ses avocats porte atteinte aux droits de la défense. C’est une entrave à un principe général du droit.

Menaces sur la profession de journaliste

Des personnes ont traqué et arrêté Pape Alé Niang  pour le faire taire. En réalité, c’est moins les infractions visées qu’une somme de subjectivités qui font le soubassement de ce dossier. Et cet acharnement est une menace réelle pour la profession de journaliste car ce sont les intérêts supérieurs de la profession qui sont en jeu.

En visant les fausses nouvelles, ce sont tous les journalistes qui sont en ligne de mire. C’est le droit à l’information qui est en jeu, pour un journalisme libre et respectable.

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