Le report au 15 décembre prochain de l’élection présidentielle sénégalaise initialement prévue le 25 février est le sujet le plus présent dans la livraison de mardi de la presse quotidienne.
L’Assemblée nationale, après « une farouche bataille entre députés de l’opposition et de la majorité », selon Vox Populi, a voté, la veille, une proposition de loi constitutionnelle reportant cette élection. Le vote a eu lieu au bout d’une « folle journée d’empoignades au sein de l’hémicycle », rapporte L’Observateur.
« C’est passé… » titre ce journal. « Après une dizaine d’heures de débats, l’intervention de la gendarmerie et l’expulsion des députés qui étaient contre, la proposition de loi amendée […] a été adoptée », écrit L’Observateur, précisant que le texte voté est « une dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution ».
Selon le même journal, au passage, la majorité parlementaire « a encore dicté sa loi en foulant allègrement aux pieds le règlement intérieur de l’Assemblée nationale et les lois constitutionnelles ».
Vox Populi souligne que les députés de Yewwi Askan Wi et de Taxawu Senegaal (opposition) « ont combattu et bloqué le vote jusqu’à leur expulsion par les gendarmes », une image « insoutenable », déplore le journal.
« Un accouchement par césarienne »
« L’Assemblée nationale cautionne », note Sud Quotidien, entre constat et dénonciation, car la présidentielle initialement prévue le 25 février prochain est désormais « fixée au 15 décembre 2024 », comme l’indique le quotidien Le Soleil.
Le même journal précise que « le président Macky Sall, non partant pour une troisième candidature, garde ses fonctions jusqu’à l’installation du nouvel élu ».
Les quotidiens rivalisent de formules pour caractériser le vote de ce report « dans une cacophonie totale » à l’Assemblée nationale, selon le mot du quotidien L’As.
« Le report voté au forceps », note par exemple Libération, Tribune déplorant : « Macky impose au forceps (sic) la prolongation de son mandat. »
« Le coup de force du duo BBY-PDS », relève L’info en faisant allusion à l’alliance tacite ayant permis le vote de cette loi, entre la coalition de la majorité Benno Bokk Yaakaar et le Parti démocratique sénégalais (PDS), la formation politique de l’ancien président Abdoulaye Wade.
Le PDS est à l’origine de tout ce processus avec sa demande d’instauration d’une commission d’enquête parlementaire sur les conditions dans lesquelles les dossiers de candidature à l’élection présidentielle ont été contrôlés par le Conseil constitutionnel.
Le PDS a motivé sa demande en portant des accusations de corruption présumée et de conflit d’intérêts contre deux juges du Conseil constitutionnel, une situation trouble, selon le chef de l’État.
Macky Sall est parti de ce constat pour annuler le décret convoquant les électeurs le 25 février prochain.
« Un accouchement par césarienne », dans la douleur donc, constate le quotidien Kritik’ en parlant du report acté par l’Assemblée nationale, alors que Bés Bi Le Jour insiste sur les insultes, les échanges de coups et la réquisition de la gendarmerie, un décor qui, rappelle le journal, renvoie au 12 septembre 2022.
Cette date correspond à une nouvelle législature, la 14e, et une rentrée parlementaire très mouvementée, marquée par des bagarres, des insultes…
L’opposition « engage le combat juridique »
« Peuple trahi ! » s’exclame WalfQuotidien, selon lequel le troisième mandat « est en marche ».
« La démocratie est abolie au Sénégal », réagit Birame Soulèye Diop, député de Yewwi Askan Wi, cité par Vox Populi.
D’autres voix, comme celle de la star de la musique sénégalaise Youssou Ndour, dénoncent le report du scrutin présidentiel.
« Sans équivoque, je ne suis pas d’accord avec le report de l’élection présidentielle. Nos rendez-vous démocratiques s’imposent à nous tous, et le peuple souverain sera le dernier juge », affirme L’info en citant Youssou Ndour, un ancien collaborateur de Macky Sall.
Les quotidiens annoncent que les opposants au report vont saisir le Conseil constitutionnel d’un recours.
Libération cite les candidats Bassirou Diomaye Faye, Malick Gakou, Cheikh Tidiane Dièye et El Hadji Mamadou Diao, dit Mame Boye.
WalfQuotidien fait observer que l’opposition « engage le combat juridique ». « Annuler le décret qui a annulé l’élection présidentielle. C’est l’autre combat de l’opposition », écrit le même journal.
« Maintenant, le seul obstacle […] semble être les juges du Conseil constitutionnel », dont deux membres sont accusés de corruption, lit-on dans L’As.
« Ayant perdu la confiance de presque tous les candidats qui veulent participer aux joutes électorales à venir, ils doivent démissionner pour laver leur honneur et permettre la reprise du processus électoral dans les règles de l’art », conclut ce journal.