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La plume est à vous : Cent soixante-cinq députés élus : à féliciter ou à plaindre ? ( Cheikh Khouma )

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Nous – comprenons que le « nou » est africain, entretenons un rapport malsain avec le service public

En fait, nous avons la fâcheuse tendance de féliciter et d’encenser un nouveau nommé ou élu, se glorifier, bomber a torse ou se la raconter pour un poste obtenu: pire, certains organisent ou se font organiser des fêtes, des cérémonies de glorification et d’exaltation de leur personne pour avoir été élu ou nommé à un poste important. Les flagorneurs sortent de leurs trous profonds avec leurs discours laudatifs et élogieux à l’encontre du « privilégié » : «Ligéeyub nday añub doom», «Sa nday moo ko ligéey», «Lii bettul kenn», «Xamoon nanu ko »….une pléthore de phrases et d’expressions très inspirées et musicalement rythmées qui laissent entendre que l’accès à ces postes est la réussite ultime: la finalité d’une VIE. Quoi ça soit un privilège réservé à une élite et quiconque y accède se place maintenant au-dessus de la mêlée. Quoi que oui, c’est un privilège et un honneur d’être propulsé comme serviteur d’un peuple, mais pas de la manière dont certains yeux le voient.

Contrairement à la perception de bon nombre de personnes, le service public est, certes un honneur et un privilège parce qu’une minorité (élus et nommés) est choisie parmi une autre minorité (politiciens) de la majorité (peuple), mais il est loin d’être le « privilège » tel que nous le concevons. Le service public est un idéal, un sacerdoce qui devrait terrifier et flipper celui qui y est appelé au lieu de la réjouir et de rendre fier ses proches.

Après le rappel à Dieu de prophète Mohammed psl, une série de succession suivit. Le premier groupe était appelé les « xulafa’u raasdiin » et le deuxième d’entre eux fut Omar Ibn Xattaap. Quand il fut parachuté à la tête de la communauté musulmane sous le titre du prince des croyants (il fut le premier à avoir entendu cette appellation), il se maudit lui-même et se fâcha contre son ami, compagnon et prédécesseur Abu Bakr pour l’avoir piégé et lu avoir filé ce « cadeau empoisonné ». A l’époque déjà, les fondements d’un Etat islamique fut déjà mis en place par le prophète lui-même. Ce qui fit de Omar un chef d’Etat en bonne et due forme qui prenait des décisions délicates, gouvernait des millions de personnes, disposait de représentants dans les autres Etats dans lesquels l’Islam s’était répandu, gérait des sommes d’argent colossales destinées à l’aumône, à la charité et autre. Cette charge lui fit tellement peur qu’il s’infligeait des sacrifices énormes et un rythme de vie infernal qui faisait qu’il fut confondu avec les autres.

Des années après, un arrière-petit-fils à lui, connu sou le nom Omar Ibn Adboul Aziz devint prince des croyants dans la dynastie des Omaites. Lu aussi, à l’instar de son arrière-grand-père se maudit d’être propulsé à cette lourde responsabilité et eut de sentiments contre son cousin, Ismail ibn Abdoul Malik, qui l’eût recommandé, limite désigné, comme son successeur. Lui également, il se comporta comme un vrai serviteur, ne pouvant être distingué avec les gens qu’il servait et s’était imposé un rythme de vie qui frôlait la misère et la disette. Il refusait de se servir de « l’argent du contribuable » et ne prenait de ce qui lui revenait de droit comme « commis de l’Etat » que ce qui était le strict nécessaire pour la substance de sa famille.

Pourtant, ces deux personnalités (Omar ibn Xattap et Omar Ibn Abdou Aziz, eurent accès au sommet de la pyramide. Mais leur compréhension de service public s’avoisine avec servir le tout puissant. Ils furent conscients de la lourdeur de leur tâche, de sa complexité et de son caractère glissant. Ce même idéal doit envahir quiconque appelé à accéder dans les sphères de décision ou plus simple, répond à l’appellation de « serviteur du peuple »

Ce parallélisme avec ces deux personnages nous permet de rappeler la sacralité de la fonction d’un élu ou d’un nommé. Peu importe l’appartenance religieuse ou communautaire, le rapport que nous devons avoir avec le service public doit être le même : comme son nom l’indique, c’est pour servir le peuple. En effet, le serviteur n’est pas un messie, une personne spéciale, un personnage à déifier, ni moins Batman ou superman, il est un Homme au même titre que le reste des citoyens. Son poste ou son rang dans la hiérarchie des dissidents ne le sort pas du lot ni ne fait de lui un individu à part : à glorifier, exalter…

Bien qu’il soit appelé à un service noble (le plus noble d’entre tous à mon sens) qui est de se mettre au service de sa population, il n’en est pas moins plus important par rapport aux autres. A notre niveau, nous ne devons pas les regarder comme de haut en les considérant comme des dieux terriens, disposant de bouton de vie ou de mort sur nous. L’époque de la classification des peuples est révolue : les périodes où l’accès à certains hauts postes était réservé à une poignée de personnes tels les seigneurs, les nobles, les aristocrates…

Autant que la perception que l’on a du service public doit changer, autant que celle que l’on a des « serviteurs » doit également radicalement changer. C’est le regard de l’autre qui est décisif, c’est lui qui donne du crédit à une chose banale, donne de l’importance au ridicule, ennoblit le trivial, complexifie le simple…en un mot, le regard et la perception changent tout. Alors commencer à arrêter de regarder nos élus et nommés d’un œil supérieur et complexé, sonnerait le début de l’épuration de notre rapport avec le service public.

L’appellation « député du peuple » me pose problème quand j’entends certains se l’autoproclamer. C’est comme si au départ ils ne devraient pas l’être et pire, que les autres ne le sont pas. Or en principe, si les députés élus ne sont pas des « députés du peuple », de qui sont-ils les députés alors ? La question peut sembler niaise pour qui connait les contours du champ politique sénégalais. Mais la question a tout autre but : celui de nous mettre face à la dangerosité de certaines expressions que l’on emploie sur la place publique. C’est pour cela que bon nombre d’entre nous ont aimé, au-delà du personnage qui est très iconique, les déclarations du député nouvellement élu Guy Marius Sagna. Quand il nous excusait de passer par les formalités d’honorable (titre officiel dédié aux députés de la république), qu’il soutenait qu’il était notre « mindaan, surgueu », cela témoigne de sa compréhension sacrée du principe de service public. Mais cela ne surprend guère sur le bonhomme.

Les choses devraient être ainsi. Si patron y’en avait, ce serait le peuple mais personne d’autre. Aux sénégalais de rompre ce rapport malsain avec le service public et de détourner ce regard envieux et complexé envers leurs « serviteurs ».

Cheikh Khouma

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